Pierre Biger

 

Maire de 1925

à 1926


 

(1856 – 1926)

 

 

Pierre Biger ne fut que brièvement maire de la commune : il mérite toutefois de figurer dans cette rubrique, compte tenu de la place éminente qu’il a occupée sur l’échiquier politique et économique du Pays bigouden. Doté d’une forte personnalité et ouvert sur le progrès, il fut conseiller de l’arrondissement de Quimper, conseiller général de Pont l'Abbé, tout en exerçant la profession de négociant en pommes de terre, activité qui avait un impact considérable sur l’agriculture locale et sur le port de Loctudy.

 

L’HOMME .

Il est né à Kerléo dans une ferme exploitée par ses parents ; son père Corentin fut conseiller municipal de 1870 à 1895. Après une scolarité primaire effectuée dans la vieille école du Bourg où venaient alors les garçons de Larvor, il fut élève au Likès à Quimper, école professionnelle agricole créée en 1838 par les frères des écoles chrétiennes. Cette institution était fréquentée par les fils de familles paysannes aisées. Il y obtint un prix d’honneur assorti d’une charrue.

 

La lecture des ses écrits témoigne d’une solide instruction assez rare à l’époque en Bretagne. Il exerça son négoce dans des magasins situés rue de la Grandière, à une période où le port de commerce connaissait une grande activité. Il habitait la maison appelée « TI TAD KOZ », rue Sébastien Guiziou.

 

A la différence du maire précédent, Marcel Derrien, il possédait parfaitement la langue bretonne, ce qui facilitait les contacts avec ses concitoyens. Bien que devenu bourgeois, il est toujours resté fidèle au costume bigouden traditionnel. Au plan politique, il affichait des idées républicaines et appartenait au parti radical, ce qui le classait parmi les « rouges » (ru) dans une commune plutôt « blanche » (gwenn). Le jour de ses obsèques, le 27 août 1926, son ami Georges Le Bail, député de la circonscription, rappelait avec une certaine emphase son attachement à la laïcité et au progrès social. Il tenait, disait-il, « d’une main ferme le flambeau des idées de justice et de liberté ». Le préfet le définissait comme « un républicain sans sectarisme, administrateur habile et dévoué » (extrait du journal Le Citoyen du 2 septembre 1926). Son esprit de tolérance était reconnu par ses adversaires politiques qui voyaient en lui un homme de consensus, un républicain modéré. Ainsi le Progrès, journal diocésain fortement marqué à droite, écrivait le 6 mai 1922 : « la personnalité de Monsieur BIGER était à ce point sympathique, ses idées étaient à ce point modérées que les libéraux et les démocrates ne lui opposèrent pas de candidats aux élections cantonales de 1919 ».

 

Une telle appréciation permet de comprendre ses succès politiques locaux à une période où les tensions étaient grandes entre les deux clans.

 

SA VIE PUBLIQUE

Son implication dans les affaires locales a commencé en 1890 quand il a été nommé membre de la commission de répartition des impôts.

 

En 1904, menant une liste « républicaine ministérielle », il fut battu par Louis Toulemont, tête de la liste « républicaine libérale » (230 voix contre 350). Par contre, en 1908 , avec plusieurs colistiers, il est rentré au conseil municipal et lors de l’élection du maire en 1911, il a obtenu huit voix face à Marcel Derrien qui en eut douze.

 

Le Conseiller d’arrondissement  :

En 1907, sous l’étiquette radicale, il succéda à Félix Moysan, également négociant, comme conseiller de l’arrondissement de Quimper. Dans cette instance qui n’avait qu’une compétence consultative, Pierre Biger intervint fréquemment pour défendre les dossiers du Pays Bigouden.

C’est ainsi qu’il milita pour que :

 

- soient financés les travaux d’extension du port de Loctudy (opération qui fut reportée)

 

- soit prolongée jusqu’à la Cale la ligne de chemin de fer Audierne - Pont l'Abbé appelée le « tren Karotes » (projet qui n’aboutit pas).

 

- soit élargie la route de Plobannalec au lieu-dit de Kerforn « car la rencontre des charrettes venant livrer des pommes de terre et les « nombreuses » autos se dirigeant vers Penmarc'h posaient de sérieux problèmes » (texte du vœu voté en 1909).

 

De 1914 à 1920, il exerça la présidence de cette instance qui souffrait d’une tutelle étroite du sous préfet et qui fut supprimée en 1940. A noter qu’aujourd’hui elle resurgit en quelque sorte dans la nouvelle structure du Pays de Cornouaille.

 

Le Conseiller Général  :

Dans la collectivité départementale du Finistère, dirigée par une majorité de gauche, il fait son entrée en 1919 comme représentant l’ancien canton de Pont l'Abbé, qui englobait alors l’actuel canton du Guilvinec. Ses interventions ont porté sur tous les dossiers intéressant sa circonscription (ports, routes, écoles).

 

C’est volontairement qu’il n’a pas sollicité le renouvellement de son mandat en 1920, voulant laisser la place à un plus jeune, en l’occurrence le Docteur Le Coz de Pont l'Abbé.

 

L’élu municipal, le maire  :

Sa percée à Loctudy, commune ancrée à droite depuis 1802, s’annonça en 1919 quand aux élections municipales il recueillit 465 voix, alors que son compétiteur, Marcel Derrien, n’en obtenait que 398. Ce dernier fut cependant réélu maire à l’unanimité par les conseillers ; c’était durant la période d’entente nationale qui a suivi la fin de la grande guerre. Mais dès 1924, avec l’arrivée au pouvoir du Cartel des Gauches, vainqueur des élections législatives, la tension entre les deux factions politiques reprit en raison de la politique anticléricale remise en œuvre par le gouvernement.

 

Bien que retiré de la vie politique, Pierre Biger, cédant à la pression de ses amis, forma en 1925 une liste de gauche qui, à la surprise générale et à la grande joie de Georges Le Bail (son journal le Citoyen titra « Bravo Loctudy ») emporta les élections.

 

C’est ainsi qu’il devint maire avec comme premier adjoint Jean Jourdren qui assura son intérim pendant sa maladie et comme second adjoint Pierre-Jean Daniel. Durant ce mandat (de mai 1925 à juillet 1926) les affaires traitées concernèrent :

 

- l’urbanisme : exigence d’un alignement pour toute construction donnant sur la voie publique afin « de veiller à l’embellissement de l’agglomération »,

 

- la réalisation de chemins à Kerfriant, Tréguido et Kerafédé,

 

- l’attribution d’une concession pour 75 ans à la compagnie d’électrification Lebon,

 

- l’attribution d’une indemnité de sortie de 20 francs par homme aux sapeurs pompiers en cas de sinistre,

 

- la vente de la ferme de Kerguen, propriété du Bureau de Bienfaisance (le produit de la vente devait être consacré à la construction d’une nouvelle mairie, ce qui n’interviendra qu’en 1964,

 

- l’institution de taxes sur les chiens, et d’un « droit du pauvre » dû par les tenanciers de salles de danses à l’occasion des bals.

 

Mais sa grande œuvre fut l’adhésion de la commune au Syndicat Intercommunal à vocation multiple (SIVOM) du canton de Pont l'Abbé et de Plonéour-Lanvern. Le projet de cette structure intercommunale fut lancé en 1923 par Charles Le Bastard, maire de Pont l'Abbé, à partir de l’idée suivante : « la création d’un syndicat de communes s’imposait pour la réalisation d’œuvres d’intérêt général que les communes du canton, considérées séparément, sont trop pauvres et trop faibles pour réaliser ». Bien que l’objectif fut essentiellement la desserte en électricité et en eau du Pays Bigouden, les statuts d’origine, qui ont fait l’objet d’un arrêté préfectoral, du 8 juin 1923, étaient ambitieux.

 

Ils englobaient aussi bien le tourisme, les lignes de chemin de fer, les ports, les ponts, les routes, le domaine social (hospices communaux, assistance médicale gratuite, hygiène), l’enseignement, la sécurité, l’aide technique aux communes.

 

Mais il ne s’agissait que d’une coopération technique, car l’indépendance des communes, reconnues comme collectivités de base, n’était pas mise en cause. Les statuts étaient clairs sur ce point : « l’association des communes permet aux municipalités respectives de sauvegarder sûrement l’intérêt particulier de chaque commune tout en facilitant la tâche de leurs administrateurs » pouvait-on lire.

 

Les premiers chantiers furent constitués par l’électrification (reprise en compte de concessions déjà accordées par les communes) et par la création d’un réseau d’eau potable. Les débuts furent quelquefois difficiles car certaines communes rechignaient à abandonner leurs responsabilités en matière d’électrification.

Les compétences du SIVOM ont été transférées, en 2000 après le retrait de Plonéour-Lanvern, à la communauté de communes du Pays Bigouden Sud. Ce fut une bonne mesure de rationalisation des structures locales, mais il n’en reste pas moins que ce SIVOM, un des premiers créés en France, a réalisé une œuvre importante en matière de modernisation des équipements et a contribué en développant la coopération entre les maires, à dégager un intérêt collectif dans le Pays Bigouden Sud.

 

La foule, composée de nombreux loctudistes et de toutes les personnalités de la région, qui se pressait au cimetière de Loctudy le jour de ses obsèques, témoignait de l’estime dont jouissait Pierre BIGER que le gouvernement avait aussi distingué en le nommant officier du Mérite Agricole. « En lui nous perdons non seulement un maire respecté, mais aussi un vrai père que pleure aujourd’hui la commune de Loctudy », ces phrases prononcées par son premier adjoint constituèrent à elles seules un véritable hommage.

Extrait de L'estran (RM)

 

SOURCES

- Ouvrages historiques sur la France et la Bretagne

- Presse de l’époque – LE CITOYEN – LE PROGRES

- Serge Duigou « Loctudy... » et autres opuscules

- Laurent Paubert « La vie politique en Pays Bigouden entre les deux guerres » éditions Hanterion

- Témoignages oraux de Hervé Le Berre et Yvon Tareau

- Registre des délibérations - du conseil municipal de Loctudy- du SIVOM du canton de Pont l'Abbé et de Plonéour-Lanvern

- Remerciements à Madame Denic, petite fille de Pierre Biger et à Madame Feat, Directrice Générale des Services de la Communauté de Communes du Pays Bigouden Sud (CCPBS).