Jean René Furic de Kerguiffinan, [1800 à 1823]

 

Le 1er septembre 1800 sous le consulat, Jean René Furic de Kerguiffinan est nommé maire de Loctudy de plein exercice. En effet l’expérience des municipalités de canton lancée en 1795 a échoué : la constitution de l’an VIII a restauré les municipalités de paroisse ; structures plus adaptées à la réalité villageoise.

 

A l’aube du XIXème siècle la situation de Loctudy n’est pas brillante, par suite de la réorganisation territoriale, le nombre des habitants est tombé de 1770 à 1045 cela en dépit de l’apport des gens de Saint Quido jusqu’alors paroissiens de Plonivel.

 

Les mendiants sont nombreux dans une commune essentiellement agricole composée presque exclusivement de fermiers, de domestiques et de journaliers. Les matelots-paysans recensés au début du XVIIIème siècle au bourg de la Forêt ont disparu, préférant un emploi à terre au métier de marins périodiquement levés sur les vaisseaux du roi. Le nombre de maisons est limité ; fermes traditionnelles, pentys qui les avoisinent, quelques habitations urbaines au Bourg et à Kérillis. Le cadastre de 1883 reproduit leurs implantations.

 

Il n’y a pas de port : l’activité commerciale se fait à Pont-l’Abbé, la pêche est pratiquée à l’Ile-Tudy. Toutefois le père de Jean René et lui-même embarquent, à partir de la grève de la Forêt où les bateaux échouent à marée basse, des cargaisons de blé et d’orge.

 

De plus la nouvelle commune a beaucoup souffert des levées d’hommes pour les armées, des réquisitions de denrées pour les troupes et pour les villes et du poids des impôts fonciers. Le blocus imposé par les anglais restreint les activités maritimes et les échanges commerciaux. Cependant, est-ce dû au tempérament des loctudistes, elle n’a pas subi de graves traumatismes durant la période révolutionnaire. Certes les propriétés des nobles émigrés et du clergé ont été vendus comme biens nationaux à des bourgeois avisés. La chapelle du Croaziou a été pillée mais le manoir de Kervéréguen a été préservé, le vieux chevalier de Penfentenyo, vétéran de la bataille de Fontenoy ayant demandé au chef du bataillon du Calvados de se retirer dans son salon pour brûler avec le château si les ordres de mise en feu étaient exécutés. Ce sont les sans-culottes de l’Ile-Tudy qui se révèlent les plus actifs pour empêcher les embarquements de suspects à Pen ar Veur et pour surveiller les agissements de la citoyenne du Boisghennec restée au manoir de la Forêt avec ses six enfants après le départ de son époux Charles Nicolas en émigration.

 

C’est dans ce contexte de rétablissement de la liberté religieuse et de relative stabilité qu’intervient le nouveau maire. Mais son implication dans la vie publique date de 1780 ; à l’époque il était capitaine d’infanterie des canonniers garde-côtes à la batterie de Saint Tual (Pichpoud). S’il n’est pas intervenu en 1789 lors de la rédaction des cahiers de doléances, il accepte en 1792 le poste de secrétaire-greffier, rédacteur des actes d’état-civil. En 1793 il est nommé commissaire pour les secours aux défenseurs de la patrie. Écrivant de manière soignée, rédigeant avec élégance, il a marqué de son empreinte les registres municipaux. C’est semble t-il un républicain modéré, désintéressé (il n’a pas profité de l’aubaine constituée par l’acquisition des biens nationaux), pragmatique car il traversa sans encombre plusieurs régimes : le consulat, l’empire, la monarchie constitutionnelle. S’il est réélu maire quarante-quatre voix sur 45 votants (dans le cadre du régime censitaire limitant le nombre des électeurs) le 21 mai 1815 durant les cents jours, il garda son poste en 1816 et prêta serment à Louis XVIII.

 

Il était issu d’une vieille lignée loctudistes : un de ses grands-oncles, Corentin Furic lors de la réformation de 1670. Ses membres étaient des bourgeois-gentilshommes et avaient donc le droit d’être appelés « AOTROU » (monsieur). Son père Nicolas-René, employé de la compagnie des Indes se fit remarquer en faisant venir à Kerguiffinan en 1740 un jeune « nègre », appelé JASMIN. Jean René quant à lui était propriétaire terrien à Loctudy et à Lennon, négociant et exportait des ....à partir de l’anse de la Forêt. Il prôna la culture de la pomme de terre. A partir de l’anse de la Forêt. En 1793, il épouse Marie Joseph Élisabeth Brizel, fille de riche négociant et armateur de Pont-l’Abbé. Ils eurent deux fils décédés sans alliance en 1820 et 1829.

 

La famille résidait dans le manoir de Kerguiffinan (aujourd’hui Villoury), construction du XVIIIème siècle qui fut démolie dans les années 1960 et dont les pierres servirent à la construction d’une maison à Langoz.

 

Quelles furent les grandes lignes de son mandat de 1800 à sa mort survenue le 6 mai 1823 ? De la lecture des registres municipaux, il ressort que les principales décisions touchèrent :

- à la désignation des conscrits pour les armées du consulat et de l’empire (sauf de 1800 à 1802),

- aux réquisitions de denrées et de literie pour les canonniers de la batterie de l’Ile-Tudy et du poste de signaux de Pichpoud,

- à la nomination des marguilliers (fabriciens) de l’église,

- à la désignation d’un garde-champêtre, dont la mission consistait essentiellement à arrêter les bestiaux errant dans les champs cultivés, c’est ainsi qu’en pluviôse an XIII Guillaume Folgoas perçoit en sus d’un fixe de 50 francs par an, une prime de 95 centimes par bête attrapée.

- Aide aux pauvres, le 24 pluviôse an IX, le maire commente en breton le mieux qu’il peut la directive du Préfet invitant les citoyens de la commune à subvenir à la triste position des pauvres, à déposer à Kerguiffinan grains et argent. Les riches récalcitrants sont taxés,

- à la désignation de l’encadrement de deux compagnies de garde-côtes – 16 floréal an VIII,

- à la délimitation et à l’entretien des chemins vicinaux,

- à la tentative de rachat du presbytère au citoyen Detaille qui l’avait acquis comme bien national. Mais le budget de la commune étant insuffisant, ce sont les paroissiens dont Jean René Furic qui avancèrent l’argent nécessaire à l’acquisition,

 

Ses relations avec le recteur Bernard Migeot qui trouve que le peuple de Loctudy est naturellement doux et généralement docile mais malheureusement tiède sont quelquefois tendues notamment à l’occasion des mariages (la cérémonie civile a du mal à s’imposer). D’une manière générale les ressources de la commune, provenant essentiellement des droits d’octroi, ne permettent pas de faire face aux dépenses incontournables.

 

Faute de compétence et de volontaires sur place, il dut assurer les fonctions de Maire de l’Île- Tudy de 1812 à 1823. Outre les missions municipales, il dut intervenir avec obstination pour que l’Ile-Tudy, ancienne trêve de Combrit, soit dotée d’un recteur et que l’église soit réparée. Résolution (05.11.1819). Pendant son mandat, il eut à traiter avec le préfet, fonctionnaire d’état, créé par Napoléon qui remplace le directeur de district et du département. Celui-ci représente à Quimper tous les ministres et agit dans le sens de la centralisation.

 

Les successeurs de Jean René, décédé en 1823, furent ses fermiers Le Cléac’h lesquels acquirent par la suite le manoir :

Pierre Jean de 1823 à 1839, son fils Guillaume de 1839 à 1843. En 1830 Pierre Jean prête serment de fidélité à Louis Philippe, roi des français qui succède à Louis XVIII, roi de France. Il n’attache pas son nom à la création d’une école : le 27 avril 1832 il rend compte au conseil municipal qui partage son point de vue, que le budget ne permet pas de financer soit la location d’un local, soit la construction d’une édifice. De ce fait, Loctudy ne disposera d’un établissement d’enseignement scolaire qu’en janvier 1845. En 1844, au décès de Guillaume Le Cléac’h dont le beau-frère René Toulemont est maire de Plobannalec, c’est Alphonse de Penfentenyo qui devient premier magistrat de Loctudy.

 

Sources :

Serge Duigou (éditions du Ressac) – Loctudy – Les manoirs bigoudens disparus

Chanoine Le Floc’h Jean Louis – Bulletins paroissiaux de Loctudy de septembre 1977 et d’avril 1978 – « la paroisse de 1800 à 1894 ».

Alain Signor – La révolution à Pont-l’Abbé – (livre club Diderot).